Coordination Internationale des Alpes Occidentales

Chronique nomade de Paul Hermant - RTBF radio - 11/12/2009

25/12/2014 23:03

Il faut réviser d'urgence vos atlas de géographie, Pascal. Quelque part, entre Dubai et Copenhague, au milieu, sur la carte, il y a désormais Antoing. C'est là que j'étais hier. Les pieds plantés en pleine fable postmoderne.


Il y a quelques années, un Prince et des amis firent ce rêve étrange de transformer 228 ha de forêts et de marécages, autour du Grand Large de Péronnes, en un "centre européen des sports de glisse", on veut dire de tout ce qui se pratique sur la neige et sur l'eau.
On vit, par exemple, dessinée sur un plan, une tour haute de 67 mètres, d'où s'élançaient deux pistes de ski alpin accessibles en toute saison donnant sur un anneau de patinage et une zone de snowboard tandis que, pas loin, dans la piscine tropicale, on pourrait surfer dans les vagues, il y aurait aussi du rafting, une rivière sauvage, de l'escalade, enfin bon, il y aurait aussi de quoi faire de la voile, du vélo ou du tennis, en tout 27 sports différents à pratiquer.


Ce projet, porté par le Prince de Ligne, ce sont ses terres, et le cabinet d'architectes français d'Anne Fourcade a un peu évolué depuis. Plus de tour alpine. Mais on pourra toujours pratiquer le ski de fond et le patinage de vitesse en plein été. Qui nous expliquera pourquoi le Prince de Ligne aime autant la poudreuse ? C'est peut-être bien après tout une affaire hainuyère : pas loin, à Lessines, un site, "Snow Games", est également prévu, les moyens manquent, mais le projet est toujours vivant, là aussi, des pistes de ski. Alpines. Indoor. Dans une carrière. Les carrières, en Hainaut, renversent désormais les terrils. Et l'on veut y refroidir ce qui se réchauffe partout ailleurs.


A Antoing, ce qui s'appelle désormais le Centre européen Sport et Nature est un projet faramineux, pharaonique et tout ce qui commence par fa, Pascal. Un investissement d'environ 400 millions d'euros. Un nombre attendu de visiteurs entre 500.000 et 900.000 par an. Un hôtel, des bungalows, ici on dit des "cottages", soit 4000 lits. 8000m2 de commerces dévolus au sport. Et une création d'emplois estimée aujourd'hui à 400… C'est sûr que ce projet boira beaucoup d'eau et demandera à être largement compensé, en termes de CO2. Mais comme disait Anne Fourcade sur ces antennes : "Alors quoi, en Europe, sous prétexte de CO2, on ne fait plus de projets ? ".


Le ministre Henry est, on va dire, fort réservé sur cette question. Il l'a dit il ya quelques jours, tandis que la procédure de révision du plan de secteur est en cours et qu'il attend, pour peaufiner sa décision, les rapports d'expertise sur les avis des riverains, des communes et des administrations concernées.


Et pourtant, on se dit, et si ce projet était visionnaire ? Si c'était un zoo où un prince entendait enfermer des modes de vie anciens ? Un parc de démonstration de ce que furent les loisirs occidentaux du temps du pétrole ? Quelque chose comme le Jurassic Park de la société de consommation et du tourisme de masse ? C'est à ça que je pensais hier, à Antoing, entre la démesure de Dubai et les conséquences de Copenhague. A un vieux monde. Qui continue à courir devant nous. Allez, belle journée et puis aussi bonne chance.